Il y avait l’envie d’aller au Japon, terre de céramique, de suprématie de l’art , depuis longtemps.
Depuis, l’achèvement de ma pièce Invincibles, je voulais travailler sur une forme hybride, entre l’homme et l’animal.
Je n’y arrivais pas. Il me fallait probablement un moteur plus puissant, plus précis qu’une simple rencontre formelle.
Et puis l’occasion s’est présentée grâce à Ateliers d’Art de France et au Ceramic Cultural Park de Shigaraki, d’aller travailler au Japon.
Cette ville qui s’étend sur des kilomètres, est constituée de hameaux dispersés dans une forêt d’essences multiples avec beaucoup de bambous, tout de même.
Dans le centre-ville, jalonnent galeries de céramiques par dizaines. On imagine facilement des pots, des bols, des plats, des vases de toutes formes et de toutes couleurs de terre de grès. Parce que là-bas, c’est du grès que l’on trouve dans le sol. Un très joli grès, très agréable à travailler.
| Mais l’étonnement vient d’autre chose, très particulier à Shigaraki, quelque chose qui peut nous mettre un peu mal à l’aise au départ, nous laisser circonspect au premier abord.
Il y a des milliers de Tanukis, petits et grands et même un, immense, à l’intérieur duquel on peut entrer pour y manger.
Ces milliers de Tanukis en grès de Shigaraki, de formes quelques peu différentes d’une boutique à l’autre, avaient un point commun dans la figuration : un air sympathique et d’énormes testicules.
Nous avions fait des recherches au préalable sur cet animal mythique. Les Tanukis sont de vrais animaux ressemblant assez au blaireau de nos contrées. Ils sont connus pour leur capacité à se transformer en homme ou en objet ; on leur conférait des pouvoirs surnaturels qui leur furent déniés au moment de l’essor du bouddhisme, ils sont alors passés du statut de divinités à celui de Yokaï*.
On les considère maintenant comme des créatures pleines d’humour, de bons vivants qui aiment boire et manger, symboles de joie et de convivialité.
On les trouve très souvent aux pas des portes des maisons d’habitations. | Partant de ce thème de travail que je trouvais fort intrigant, j’ai cherché avant de partir, des illustrations dans les bibliothèques parisiennes. J’ai trouvé des images d’estampes d’Utagawa kuniyoshi, d’autres de Tsukioka Yoshitoshi. Toujours pleines d’humour, ces illustrations puisent leur inspiration dans des scènes populaires quotidiennes de l’ époque Edo.
Ces images ont servi de matrice à mon travail. Il a fallu que je réalise un moule avant de partir car je savais bien qu’un mois de travail ne pouvait suffire, sans faire un moule au préalable.
Ce moule allait me servir de base à transformer sur place, en modelant la terre, en construisant des éléments nouveaux.
Je ne voulais pas prévoir plus que cela. | Je suis partie avec mon compagnon de vie, nous pensions réaliser un film sur mon travail. Guy aime la culture japonaise, il la connaît au travers des films, il s’y intéresse sous différents aspects depuis longtemps.
C’est l’impression que le Japon m’a fait qui a inspiré les postures et les décors des sculptures que je vous présente aujourd’hui ; de même c’est l’impression du Japon ressentie par Guy qui guidera le montage du film qu’il a réalisé.
En vivant au quotidien dans l’atmosphère culturelle et organique japonaise, nous nous sommes enrichis de nombreuses sensations : textures, poids et couleurs brutes et précieuses à la fois. | Shigaraki et Kyoto donnent l’éclat du film. On espère faire passer le va et vient entre le quotidien, l’entour, le paysage, les us et coutumes et bien sûr le travail plus spécifique de réalisation de mes sculptures dans le centre.
Dans le Nishijin - quartier à Kyoto, nous avons filmé les tissus, pris des photographies des matières et des motifs de textiles. Chaque promenade à Kyoto était une source de plaisir, sans cesse renouvelée au quotidien, chaque étape de notre séjour était l’occasion de regards sur les formes et les décors, les textures visibles et invisibles, senties dans les moindres détails.
Mes sculptures sont le résultat d’un work in progress pensé in situ.
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